Paolo Banchero est-il vraiment une star en puissance ?
Leader d'une surprenante équipe d'Orlando, Paolo Banchero a conquis les fans du Magic mais ne fait pas l'unanimité auprès des observateurs plus neutres. Que vaut-il vraiment ?
Comme chaque début d’année, à l’approche du All Star Game, les débats font rage auprès des fans de NBA et des observateurs plus neutres. Entre ceux et celles qui militent pour la présence d’un joueur et les autres qui désavouent ce choix, statistiques à l’appui, on perd rapidement la tête et on laisse nos égos prendre le dessus. Et s’il y a bien un cas qui fait débat en ce moment, c’est celui de Paolo Banchero. Le sophomore du Magic réalise une saison aussi tonitruante que son équipe, qui a longtemps squatté le Top 4 de la Conférence Est mais risque bientôt de redescendre au classement (bilan de 21-15 comme le Heat, les Pacers, les Cavaliers et les Knicks au 9 janvier). Banchero a disputé les 36 matches de son équipe (un exploit quand on sait à quel point le Magic a une fâcheuse tendance à remplir l’infirmerie) en sublimant ses 35 minutes jouées par match avec 23,1 points, 7,2 rebonds et 4,9 passes décisives en moyenne. Ça, c’est pour les stats brutes, que j’aime baptiser les “stats TF1”. Comprenez, les stats pour le grand public. Meilleur scoreur, rebondeur et passeur d’une équipe qui a passé quasiment la moitié de la saison dans le Top 10 de la Ligue, Paolo Banchero a apriori des arguments solides à faire valoir pour être considéré comme un All Star.
Oui mais voilà, dans un sport professionnel très médiatisé comme la NBA, la hype ça compte et Paolo Banchero ne répond à aucun critère du grand public ni même à celui du public de niche. Premièrement, Paolo Banchero joue pour le Magic d’Orlando, une équipe que quasiment personne ne regarde mis à part les fans de la franchise (BIG UP à vous). Deuxièmement, il est un phénomène athlétique mais pas assez Freak comme Giannis, Wemby, Zion voire même Shaq pour vraiment intéresser le fan de basket lambda. Il n’est pas assez spectaculaire pour ça ! Il y a bien eu son poster dunk sur Cory Joseph lors de son premier match en carrière qui a buzzé mais son jeu un peu bully (je dribble beaucoup pour finalement aller droit au but et provoquer une faute ou pour jouer dos au cercle), ses rares passes flashy et son manque d’exposition sur la scène nationale et internationale jouent clairement contre lui. Troisièmement, et c’est ce qui fait particulièrement tiquer la niche d’analystes du jeu qui émerge actuellement, son efficacité offensive est faible. Enfin, relativement faible. Car il manque beaucoup de contextes dans les stats qui sont généralement avancées pour calmer les ardeurs des fans du Magic concernant le réel niveau de leur Paolo Banchero. Ce sont justement ces avis tranchés avec un manque de contexte qui m’ont donné envie d’écrire cet article. Alors qu’en est-il du “vrai” niveau de Paolo Banchero et de ses progrès par rapport à la saison dernière ? D’ailleurs en guise de rappel, voici ma vidéo d’analyse que j’avais faite l’été dernier à son sujet.
Un Usage de superstar pour une efficacité encore faiblarde mais…
23,1 points. À première vue, ce n’est pas mal. Mais à l’échelle de la NBA, ce n’est vraiment pas exceptionnel. En effet, au 9 janvier 2024, 42 joueurs tournent à plus de 20 points en moyenne et Paolo Banchero réside “seulement” à la 25e place au classement des meilleurs scoreurs de la saison. Des joueurs qui n’ont pas forcément l’aura de superstars comme Lauri Markkanen (23,6 points), Desmond Bane (24,5 points) ou Tyrese Maxey (25,9 points) le devancent. Mais là où le bât peut blesser pour Paolo Banchero, c’est qu’il fait partie du Top 20 des joueurs de NBA avec le plus gros Usage, avec 29,3%. L’Usage%, c’est le pourcentage de possessions d’une équipe qui finissent par un tir (y compris les lancers francs qui sont consécutives à une faute provoquée sur tir) ou par une balle perdue d’un même joueur. Cela mesure donc le niveau de responsabilité et d’influence d’un joueur dans le jeu offensif de son équipe.
Et parmi les 20 joueurs ayant plus de 29% de Usage, Paolo Banchero se situe à la 17e place au niveau du True Shooting %, qui traduit l’efficacité au tir d’un joueur, avec 55,2%. Il fait mieux que Cade Cunningham (54,4%), Victor Wembanyama (54,2%) et Cam Thomas (52,8%) et est quasiment au même niveau que Kyle Kuzma (55,5%). Par contre, il est a des années lumières de Giannis Antetokounmpo (65,2%) Joel Embiid (64,5%), Shai Gilgeous-Alexander (64,3%), Nikola Jokic (64,1%), Kevin Durant (63,8%), Stephen Curry (62,7%), LeBron James (62%), Luka Doncic (61,5%), Jayson Tatum (60,9%) ou Devin Booker (59,8%). En somme, les meilleurs joueurs de la Ligue. À noter que le site Cleaning the Glass intègre également les passes décisives dans son Usage % mais c’est l’efficacité au tir ici qui nous intéresse, donc je me base sur le classement du site Basketball Reference.
À mon sens, ce qu’il faut surtout noter à propos de Paolo Banchero, c’est qu’il est, à 21 ans, le deuxième plus jeune joueur et le deuxième moins expérimenté (derrière Wemby) dans cette liste des 20 joueurs avec le plus gros Usage % mais il n’est pas le deuxième moins efficace. Il n’est d’ailleurs pas si loin de Julius Randle (56,7%), De’Aaron Fox (57,9%), Donovan Mitchell (58,2%), Anthony Edwards (58,5%) et Trae Young (58,8%), qui sont beaucoup plus expérimentés que lui. Et encore heureux que Paolo Banchero ne regarde pas dans les yeux des superstars comme Jayson Tatum ou Giannis dès sa deuxième saison en NBA, parce qu’on parlerait déjà d’un potentiel Hall of Famer. Dans ce Top 20 des plus gros Usage%, seuls LeBron James (27,2 points pour 29,7 USG% et 55,5 TS% sur 42 minutes de jeu en moyenne), Joel Embiid (22,9 points pour 33,4 USG% et 57,3 TS% sur 30,3 minutes de jeu en moyenne) Luka Doncic (28,8 points pour 36,8 USG% et 58,5 TS% sur 33,6 minutes de jeu en moyenne) et Kevin Durant (25,3 points pour 28,3 USG% et 57,7 TS% sur 39 minutes de jeu en moyenne) se débrouillaient mieux que Paolo Banchero lors de leur deuxième année dans la Ligue avec un niveau de responsabilité similaire (au minimum 28% de Usage ou USG%). Même Carmelo Anthony (20,8 points avec 29,2 USG% et 52,6 TS% sur 35 minutes de moyenne), à qui il est souvent comparé, et Tim Duncan (21,7 points avec 27,2 USG%, et 54,1 TS%, en 39,3 minutes de moyenne) ne faisaient pas mieux que lui en tant que Sophomore, même s’il s’agit d’une autre époque où le spacing n’était pas optimisé.
Donc Paolo Banchero est loin d’être une arnaque au niveau du scoring comme certains le laissent entendre. Il a d’énormes lacunes au niveau de sa finition près du cercle avec seulement 60% de réussite alors que 37% de ses tentatives sont prises à cette distance tandis que l’élite se situe autour des 70%. Il prend aussi 29% de tirs à mi-distance court avec seulement 39% de réussite (mauvais) et 15% de mi-distance long (le tir le moins rentable du basket) avec 40% de réussite (correct mais pas exceptionnel). Il va toujours autant sur la ligne des lancers francs (10,3 lancers francs tirés par match contre 10,6 l’an passé) mais sa réussite est toujours en berne (71% contre 73,8% l’an passé). Et là, où il a passé un cap et ce qui augmente considérablement son efficacité globale, c’est au niveau de sa réussite au tir à 3 points. Il tourne à 39% de réussite sur 5,5 tentatives par match, ce qui représente 19% de ses tentatives de tir totales. Sa sélection de tirs comme sa réussite n’est pas encore optimale, c’est évident, mais il faut aussi dire que les défenses se sont adaptées à son jeu, le respectent et trichent constamment sur lui, en formant un bloc compact autour de lui pour protéger la raquette et en envoyant régulièrement des prises à deux au poste bas car elles ne craignent pas d’être sanctionnées par un autre joueur à 3 points (le Magic est 27e de NBA au niveau de l’adresse à 3 points avec 35,1% de réussite). Ce qui rend l’accès au cercle très difficile pour Paolo, qui est souvent contraint à prendre des tirs à mi-distance pour tenter de punir ce choix défensif. À noter, qu’il tire de mieux en mieux ces derniers temps, sans hésiter, ce qui augmente considérablement sa réussite et donc sa confiance. Je ne serai pas surpris que ses pourcentages de réussite sur les tirs à mi-distance augmentent et que ceux à trois points se stabilisent au cours de la saison.
Un playmaking encore balbutiant
Alors que certains le voient comme un LeBron-like, je ne partage pas du tout cet avis. Compte tenu des différences qu’il peut générer grâce à sa taille et à sa mobilité, Paolo Banchero attire les défenseurs. Il possède déjà une gravité de star. Logiquement, cette position lui offre des possibilités de créer le jeu pour lui mais surtout pour ses partenaires. Loué pour ses qualités de passeur avant la draft 2022, Paolo Banchero est encore loin d’être un playmaker de haut vol. Avec 4,9 passes décisives par match, il a du potentiel. C’est clair et net mais je refuse d’y voir en lui un LeBron-like parce qu’il n’a selon moi pas le même sens du jeu, qui peut se développer mais qui selon moi doit déjà faire partie d’un joueur quand il arrive en NBA. Et cela va au-delà de la moyenne de passes décisives, qui dépend aussi de la qualité de finition des coéquipiers. Dès leurs premiers pas dans la Ligue, on a pu voir du génie, de la clairvoyance dans les passes de Sengun ou Jokic. Banchero est plutôt bon et patient pour faire de belles passes quand il génère une prise à deux ou sur une situation de supériorité numérique mais je ne trouve pas qu’il a encore ce don pour la passe qui tue. La passe créée de toute pièce, sans avantage au préalable, dont sont capables Jokic, Sengun, LeBron, Luka ou Haliburton (pour ne citer qu’eux).
D’ailleurs, quand on s’intéresse à ses statistiques avancées au niveau du playmaking, on peut y observer de vraies carences. Son ratio de passes décisives par rapport à son USG% (il s’agit désormais du USG% de Cleaning The Glass, qui considère les passes décisives) est de 0,75. Ce qui le place seulement 18e parmi les 23 joueurs à plus de 30% d’Usage. Mais le gros point noir du playmaking de Banchero, ce sont ses pertes de balle. 13,3% des possessions qu’il joue terminent en pertes de balle. Ce qui le place 20e parmi les 23 joueurs à plus de 30% d’Usage. Pire encore, son ratio de passe décisive/perte de balle est 1,47, ce qui le place au 147e rang de la NBA en comptant uniquement les joueurs ayant disputé au moins 30 matches. C’est vraiment pour cette raison que je refuse de voir en lui un futur LeBron James, même de loin. Je pense qu’il a énormément de chemin à faire pour un être un véritable playmaker, capable d’organiser le jeu de son équipe. Je ne suis d’ailleurs pas certain que ce soit le meilleur choix à faire pour les dirigeants du Magic s’ils souhaitent emmener cette équipe au sommet à moyen terme. Par contre, un connecteur pourrait sublimer les avantages générés par Paolo (d’où le choix d’avoir drafté Anthony Black, qui correspond à ce profil mais qui a encore besoin de s’aguerrir pour avoir un impact dans l’équipe) à condition d’avoir des shooteurs autour pour finir ces actions.
D’ailleurs, j’y vois ici une belle opportunité d’évoquer la responsabilité du coach Jamahl Mosley et de son staff quant au manque d’efficacité de Banchero. Actuellement, l’utilisation de Paolo Banchero n’est pas optimale. On le voit encore trop souvent en isolation, pas assez en poseur d’écran sur pick-and-roll (même si c’est de plus en plus fréquent), pas assez dans le jeu sans ballon. Les blessures et les limites au niveau de la réussite à 3 points de ses coéquipiers ont aussi contribué à ce que Paolo Banchero porte l’attaque du Magic sur ses épaules alors que le début de saison présageait à un partage des tâches entre Franz Wagner, Markelle Fultz et lui dans le cinq de départ, avec Joe Ingles et Cole Anthony pour prendre le relais. Pas de bol, les deux meilleurs playmakers du lot sont régulièrement blessés et les cartes se sont redistribuées autour de Paolo Banchero. Avec une équipe enfin au complet (en bonne santé) et des choix tactiques plus pertinents en attaque, Paolo Banchero serait encore plus efficace et donc plus fort qu’il ne l’est actuellement et c’est justement une analyse qui manque chez les réfractaires à l’idée d’un Banchero superstar en devenir. D’ailleurs, ces réfractaires oublient un élément déterminant du jeu du numéro 5 du Magic…
Des progrès ahurissants en défense
L’an passé, dans les analyses que j’ai pu entendre ou lire sur Paolo Banchero, peu d’entre elles soulignaient le bon niveau défensif, ou du moins, le fort potentiel de ce dernier. Évidemment, les stats avancées ne parlaient pas pour lui. Concernant le pourcentage de réussite au cercle des adversaires face à Paolo Banchero, le différentiel n’était que -2,9%. Comprenez que Banchero faisait chuter de 2,9% la réussite de ses adversaires sur les tirs près du cercle. Des chiffres bien éloignées des performances réalisées par Brook Lopez (-13,2%) ou Walker Kessler (-13,1%) cette saison-là. Quasiment à la moitié de cette saison 2023-2024, Banchero a réussi à faire chuter de 6,5% la réussite de ses adversaires directs au cercle. Ce qui le place au 14e rang des joueurs ayant joué au moins 30 matchs et avec au moins 5 tentatives au cercle défendues par match. Et Paolo est aussi bon pour faire chuter la réussite des adversaires sur les autres distances. Sur les tirs à 3 points, il afflige une baisse de réussite de 4,2%, soit la 25e place pour les joueurs avec au moins 30 matchs et 3 tentatives à 3 points défendues par match, et sur les tirs à mi-distance court, il fait baisser de 4,7% la réussite des adversaires, ce qui classe 19e des joueurs avec au moins 30 matchs et 6 tentatives défendues à cette distance par match.
Ce qui m’a sauté aux yeux en ayant regardé les 36 matches disputés par Banchero cette saison, c’est à quel point sa polyvalence défensive s’est améliorée. Il était déjà prometteur l’an passé mais avec des coéquipiers plus faibles, son impact était moins criant. Cette saison, je trouve qu’il rayonne en défense (pas autant que Suggs, Goga ou Jonathan Isaac quand il est en bonne santé) et plus important, il est très performant sur les closeouts comme le prouvent les statistiques précédentes. En regardant les matches, j’avais l’impression que Banchero, de par l’agressivité de ses closeouts, empêchait de nombreux tirs à trois points d’être pris. J’ai donc voulu vérifier ça et les statistiques semblent confirmer mon impression. Quand il est sur le terrain, les adversaires du Magic prennent 33,5% de tentatives à 3 points, contre 39,1% quand il n’est plus sur le terrain. Banchero est l’un des défenseurs les plus actifs de NBA avec 13,9 de tirs défendus en moyenne, ce qui le place au 32e rang des joueurs avec au moins 25 matches disputés, mais il est surtout très efficace. Sur l’ensemble de tirs qu’il défend, il fait baisser la réussite de ses adversaires de 3,5%, ce qui le place dans le Top 10 de la NBA. S’il est aussi efficace en défense c’est aussi parce qu’il commet très peu de fautes sur tir et donc il concède peu de lancers francs (seulement 2,1 fautes par match et un Foul% de 2,2%).
Ces détracteurs pourront avancer que les différentiels de points marqués par son équipe et mais aussi ceux encaissés par son équipe sont plus importants quand il n’est pas sur le terrain mais je rappelle que ces statistiques sont extrapolés en grossissant des échantillons faibles. Paolo Banchero joue 35 minutes par match en moyenne. Ces stats On/Off extrapole donc 13 minutes de jeu en moyenne pour en faire un échantillon sur 100 possessions. C’est pourquoi, on trouve souvent des chiffres étonnants concernant l’efficacité des équipes sans leurs stars, qui serait meilleure sans elles.
Pour conclure, je dirais que mon avis est forcément biaisé. Comme tous les avis d’ailleurs. Je suis fan du Magic d’Orlando et j’ai eu envie d’écrire cet article en réponse aux analyses que j’estime injustes sur Paolo Banchero, qui est très loin d’être un joueur d’élite actuellement comme peuvent l’être Nikola Jokic, Joel Embiid ou Giannis Antetokounmpo. À vrai dire, je ne trouverais pas scandaleux que Paolo Banchero ne soit pas All Star cette saison. Dans la conférence Est, Giannis Antetokounmpo et Jayson Tatum (si on considère que c’est un poste 4) lui sont supérieurs tandis que Joel Embiid et Bam Adebayo, sont selon moi intouchables au poste 5. Cependant, ce que j’aimerais lire ou voir, c’est un peu plus de considération pour Paolo Banchero, dont le style n’est pas forcément spectaculaire tout comme l’efficacité offensive. Mais la notion qui n’est pratiquement jamais abordée pour parler de Banchero, et qui est selon moi très importante, c’est son incroyable leadership à seulement 21 ans. Être le porte étendard d’une franchise nulle à son arrivée et très peu populaire tout en assumant sa position de numéro 1 de draft comme il le fait demeure extrêmement compliqué, surtout à l’ère des réseaux sociaux. Assumer son statut, montrer cette détermination soir après soir et être un coéquipier apprécié comme il est, c’est fort. Très fort ! Donc si Paolo Banchero n’est pas un joueur que vous appréciez, vous pouvez juste au moins lui donner le respect qu’il mérite.